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Chaque fois que meurt un chêne là bas dans le bois ma petite nation perd un dieu ancien; Chaque fois qu'un enfant naît le futur devient forêt et entre les chênes flâne un nouveau dieu. Il y a un royaume entier sous un chêne, bien que certains ne sachent pas le trouver; ils ne verront pas non plus, ni lutins, ni princesses maures dans les lacs de montagne quand le ciel s'embrase d'étoiles, la nuit de la Saint-Jean. Que verront-ils ?, s'ils ne te voient pas quand ils te regardent, si en te regardant, ils voient seulement une carte postale, et non la terre où un peuple, enlacé à ses fantômes, défie la tempête. S'ils te voyaient avec mes yeux, ils te verraient sans te regarder. Tes paysages, soie verte et velours, sont l'écrin et toi le joyau à protéger. Sera-t-il vrai que dans tes nuits maintenant il n'y a plus de sorcières, et que dans tes forêts ne règne plus le sanglier blanc ? qu'il n'y a plus de princesses dans tes tours et qu'ils ne laisseront plus, Roland, d'un coup d'épée fendre aucun autre mont ? Ou serait-ce que notre feu s'est éteint, que les temps ont passé, qu'il n'y a plus d'histoires à raconter, que les vieux se sont tus comme le livre qui se ferme ou la cornemuse abandonnée dans le grenier ? Que verront-ils ? s'ils ne nous voient pas quand ils te regardent, ou s'ils nous regardent à travers une vitre: ils se remplissent les yeux de Pyrénées, mais pour mon peuple et mes dieux il n'y a pas de place. S'ils savaient voir qu'il y a des traces dans la neige que ni un isard ni des skis ne peuvent laisser ! Si en les suivant ils arrivaient jusqu'à cette porte !… S'ils frappaient…Peut-être pourraient-ils entrer ! Sobrarbe, maison enchantée, génie du foyer; une fenêtre dans la nuit brillera au loin. Ver luisant entre les montagnes, ne te laisse pas éteindre ! Si les hommes demeurent, les dieux maintenant reviendront.
Cette chanson vous est destinée à vous qui les avez-vus ou n'avez pas besoin de les voir pour savoir qu'au Pays de la « Carrasca » (chêne), il y a un esprit dans chaque maison ou que la nuit de la Saint Jean, apparaît une Maure, victime d'un enchantement millénaire, dans le lac de montagne De Plàn. Elle s'adresse aussi à vous qui savez que pas loin de la prairie d'Ordesa (où arrivent les touristes) il y a une brèche, -la Brèche de Roland-: non pas nommée ainsi en l'honneur de quelque sportif mais parce qu'elle fut ouverte, d'un coup d'épée, par Roland, le Héros des chansons de geste. (Quel peu de respect pour le milieu naturel !!) Elle est enfin pour vous qui savez que sans légendes ou chansons, un peuple ne peut vivre et que sans ce peuple, il n'y aurait, ni légendes ni chansons, ni toits de loses ou d'ardoises, ni maisons enchantées. Aidez nous à ouvrir les yeux de ceux qui ne l'ont pas encore compris. Sinon, peut-être que lorsqu'ils frapperont à nos portes, il ne restera plus personne pour leur ouvrir. Peut-être aussi n'y aura-t-il plus de Pyrénées; seulement des montagnes (et des lacs de retenue) Texte de La Ronda
Paroles: Manuel Domínguez | |||