HABANERA TRISTE
Chaque fois que ma mère faisait la lessive
ma maison devenait un voilier,
aux voiles de draps blancs
étendus aux vents de ces montagnes.

Un bateau de pierre dans la vallée,
ancré depuis des siècles sur les rives de l'Ara,
face à l'île de La Velilla
entre les côtes de Fiscal et Boltaña.

Comment pouvais-je imaginer, moi
qui rêvais de la mer,
que dans un maudit lac de barrage, ayayay 
ma maison allait sombrer.

A Jànovas, La Velilla et Lacort
je dis adieu;
adieu petits bateaux naufragés, adieu;
mon pauvre pays, adieu.

Et bien que beaucoup d'ans soient passés
je ne pourrai jamais oublier ce matin
où je découvris que les pirates n'existaient
pas seulement dans les contes.

Quand ils prirent le village à l'abordage
et que nous dûmes partir de la maison,
en voyant les larmes de maman
mon enfance sombra d'un coup.

Comment pouvais-je imaginer, moi
qui rêvais de la mer,
que dans un maudit lac de barrage, ayayay
ma maison allait sombrer.

A Jànovas, La Velilla et Lacort
je dis adieu;
adieu petits bateaux naufragés, adieu;
mon pauvre pays, adieu.

Feux follets entre les ruines,
restes de naufrage sur une triste plage:
il y a encore des nuits où navigue
un vaisseau fantôme à travers mes cauchemars.

Et chaque fois qu'il sillonne ma chambre
je me réveille trempé de sueur et de rage,
car je sais qu'il est venu m'annoncer
que dans mon village mort, une autre maison est tombée.

Qui pouvait me dire à moi
qui rêvais de la mer,
que dans un maudit lac de barrage ayayay
ma maison allait sombrer.

A Jànovas, La Velilla et Lacort
je dis adieu:
adieu, petits bateaux naufragés,adieu…
mon pauvre pays, adieu…
mon pauvre pays, adieu…
mon pauvre pays, adieu…………

 

Habanera: Chanson qui date de l'époque où les Espagnols qui étaient à Cuba, lorsqu'ils revenaient en Espagne, chantaient la nostalgie de ces terres cubaines. D'où le nom Habanera (La Habana).

Cette chanson se réfère toujours au même thème, celui des villages dont les habitants furent expropriés, pour construire des barrages, « dédommagés » par quelques indemnités ridicules. Ici l'auteur parle plus particulièrement de Jànovas dans la Vallée de La Solana entre Boltaña et Fiscal où le barrage ne fut jamais construit. Mais le mal était fait…

 

Paroles et musique: Manuel Domínguez
Traduction: Jean-Claude Dutilh